Sommaire « L’énigme Boissel »

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Préface de Philippe Delaigue. Introduction : Un philosophe sans visage. Ch 1 : Au commencement était Joyeuse. Ch 2 : Le rebelle de Saint-Domingue. Ch 3 : L’engagement d’un écrivain. Ch 4 : Le catéchisme de la subversion. Ch5 : Un mystique du social. Ch 6 : Militant aux Jacobins. Ch 7 : Adversaire de la Révolution bourgeoise. Ch 8 : Partisan de la Révolution populaire. Ch 9 : Grâce et disgrâce. Ch 10 : Aux origines du babouvisme ? Ch 11 : Un idéologue militant. Ch 12 : Féministe ou « Hippie ardéchois » du XVIIIe ? Ch 13 : Boissel sous le Boisseau : Damnatio memoriae ? Ch 14 : Controverses et paradoxes. Conclusion : « Il mérite sa place à nos côtés ». Annexe 1 : Notes et références. Annexe 2 : Florilège de citations de Boissel. Annexe 3 : Bibliographie. Annexe 4 : index des personnes citées.

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.Extrait « L’énigme Boissel »

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« On retrouve également dans ces mêmes archives une lettre de Boissel adressée au peintre et sculpteur David, probablement en 1793 ou 1794, où transparaissent les espoirs que Boissel fondait sur la République française et le devenir de l’humanité toute entière. « Je crois devoir, Citoyen David, te faire part d’une idée qui m’est venue sur le monument le plus propre à exprimer l’emblème de la Liberté. Je voudrais que sur un piédestal on établisse un globe terrestre que, sur ce globe, fussent assises quatre statues de même figure, placées de façon que l’une regardât le nord, l’autre le midi, l’autre l’orient et l’autre l’occident. Je voudrais qu’une ou plusieurs cornes d’abondance qui prendraient racines au centre du globe, derrière chacune des statues, servissent de couronnement. Je voudrais qu’au lieu d’un globe sur une de leurs mains l’une présentât l’emblème de l’égalité, l’autre celui de la fraternité, l’autre le génie de l’agriculture, et l’autre celui de l’industrie et des arts, avec chacun une lance pour les défendre, je voudrais qu’on lût sur chaque face du piédestal cette maxime fondamentale de la véritable civilisation : L’homme social est né pour apprendre à opérer le bonheur de son semblable. »

« La vision spirituelle de l’homme et de son devenir social débouche chez Boissel sur une véritable exaltation quasi mystique du social. « C’est une sorte de communisme, hiérarchisé selon une échelle de capacité et tout débordant de mysticisme panthéiste, que développe Boissel », commente Jaurès. Pour autant, et ce n’est pas l’un des moindres paradoxes de sa pensée, Boissel paraît athée socialement puisqu’il ne se sert pas de l’idée de Dieu comme principe pour organiser la société. Il se distingue ainsi de Robespierre qui considérait la croyance en un Dieu et en l’immortalité de l’âme comme une condition absolue de l’éducation morale et de l’ordre social. Chez Boissel l’éducation des hommes doit être centrée sur l’idée de bonheur, et doit être indépendante de toute notion précise relative à l’âme ou à Dieu. Un positionnement qui ne l’empêchera pas de soutenir la politique religieuse initiée par Robespierre avec la fête de l’Etre Suprême du 8 juin 1793. Il publie alors un Hymne à l’Etre Suprême dont il fait présent aux membres de la Convention.

« Boissel dénonce les religions instituées pour leurs manipulations ; la  diversité des cultes et des croyances, signe selon lui la fausseté de leurs revendications. Pour autant il considère que chacun doit rester libre de croire ou de ne pas croire, cet aspect des choses ne regardant pas l’Etat. « D. Que deviendraient les prêtres ? R. Leur condition deviendrait égale à celle de leurs semblables, dont ils partageraient le bonheur, sans cependant gêner leurs opinions, ni leurs préjugés, ni leur régime de vie, qui n’auraient plus d’influence sur l’éducation sociale ni sur l’ordre moral.  D. Que feriez-vous des athées et des matérialistes ? R. On les laisserait libres dans leurs opinions… » Une distance philosophique entre le spirituel d’une part et l’éducatif et le social d’autre part que l’on retrouve sous sa plume quatre ans plus tard dans les Entretiens du Père Gérard où il estime que dans le domaine religieux, tous les cultes peuvent être autorisés mais ne doivent pas être cautionnés par l’Etat : « Il sera loisible de professer le genre de culte religieux que bon semblera privativement et à ses frais . Du moment que les écoles et les ateliers publics seront établis pour l’instruction publique et que toute pratique relative au fanatisme y seront abolies et prohibées ». En demandant la laïcisation des écoles, Boissel instaure en fait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, sa pensée est celle d’un prosélyte de la laïcité, avant l’heure et avant même la lettre ». Enigme Boissel. P55 à 57.