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Instituteur pendant quelques années dans ce beau village d’Ardèche, avant de venir y résider définitivement et avec bonheur, je me suis pris de passion pour les belles pierres et les vieilles bâtisses de la cité médiévale de Joyeuse. « L’espace, c’est du temps qui demeure » disait Novalis. Cette maxime – relativiste bien avant Einstein – prend tout son sens lorsque l’on flâne dans les rues et ruelles du vieux Joyeuse. Pour qui sait chuchoter aux pierres des façades et écouter l’architecture des vieilles bâtisses, la déambulation se transforme alors en une découverte fabuleuse. Une aventure véritable dans l’espace et le temps, qui se traduit par une rencontre authentique, celle où les pierres parlent et où notre âme répond.
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Ce voyage découverte est d’autant plus excitant que dans l’urbanisme de Joyeuse, toutes les époques, se voisinent, se croisent et s’entremêlent dans un extraordinaire patchwork. Examinez donc cette pierre sur une façade, vous y trouvez gravé le signe de la corporation d’un artisan d’autrefois. Observez en bordure de toiture cette étrange sculpture à la silhouette de singe, c’est le vestige d’un culte païen. Regardez encore cet étonnant linteau de porte, vous y découvrez l’ancien épistyle d’une cheminée du château. Parcourir le vieux Joyeuse, c’est sillonner en quelques minutes des siècles d’histoire et rencontrer l’âme d’une cité. Essayez donc de vous promener dans la cité médiévale, en vous laissant porter par le vent. Dans le silence, laissez-vous pénétrer par l’espace de la cité. Et vous verrez : la magie s’opère.
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En gagnant le parvis de l’église par la rue Saint-Paul des chœurs grégoriens vous rappelleront l’élégance des offices religieux d’autrefois. Est-ce Guillaume de Joyeuse, évêque d’Alet, qui célèbre la messe ? A moins que ce ne soit le cardinal François de Joyeuse, lui-même, qui officie à l’occasion d’un de ses fréquents passages au château de ses aïeux ? Sur le square François André, si le bruit des artisans menuisiers du quartier Saint-Anne ne vous détourne pas de votre promenade vous gagnerez la place du Barry en passant devant la magnifique façade d’un l’hôtel particulier du XVIIIe. C’est celui de madame la Comtesse de Montravel. S’il vous prend d’actionner la chevillette qui commande la cloche du porche, un jeune valet viendra peut-être vous ouvrir. Observez-le bien, c’est Pierre Chabert, un futur baron et général d’Empire que Balzac popularisera dans un roman célèbre.
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Passée la place du Barry, avec ses vieilles demeures médiévales, sa magnifique frondaison et le pavage en galets ronds de rivière de sa chaussée, vous gagnerez peut-être la rue du Docteur Pialat ? Vous longerez alors les anciens remparts qui vous ramèneront en plein XXIe avec la vision du nouvel hôpital de Joyeuse.
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Voilà, en quelques pas vous avez parcouru dix siècles d’histoire. Et personnellement ces pas, je dois à Jacques Lacour de les avoir effectués en 1992. Je n’étais alors qu’un jeune conseiller régional à qui il venait d’offrir, en tant que maire de la commune, son ouvrage publié cinq ans plus tôt « Visite du vieux Joyeuse ». Ce livre avait fait plus que de m’introduire au cœur de la magie du vieux Joyeuse, il avait littéralement enflammé mon imagination dans le charme historique de la cité des Ducs de Joyeuse, cette cité médiévale où la légende tutoie l’histoire et où la chronique locale décline la grande histoire de France. Et c’est cette fascination pour la cité de Charlemagne qui allait se transformer en moi en une passion durable pour l’histoire et l’écriture, et faire naître l’écrivain que je suis devenu.
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Au seuil des années 2000 j’ai piloté sur des avions (Cesna, Rallye, Piper PA28), c’était dans le cadre de l’aéroclub de l’Ardèche qui est basé sur le terrain romantique de Labeaume, lui-même situé sur les rives de l’Ardèche. J’avais arrêté pour des raisons financières : coûts des leçons de pilotage et de la location des appareils, obligation de voler un minimum d’heures coûteuses pour maintenir sa licence. J’avais aussi arrêté pour des raisons de sécurité suite à une série d’accidents dont certains furent mortels et touchèrent de proches connaissances (voir mon livre Nouvelles d’Ardèche et autres plumes). Ma jeune épouse avec qui je bâtissais un foyer, appréciait moyennement l’idée de devenir aussi une jeune veuve. Mais avant que je ne me convertisse définitivement au pilotage virtuel comme je l’explique dans ma nouvelle « Et la nuit je vole », j’avais fait la découverte de ce qui était une peu l’équivalent de la voiture sans permis pour l’aéronautique : l’ULM trois points, qui fut pour moi un véritable coup de foudre.
Plus léger, plus nerveux, plus « acrobatique » aussi, l’appareil était nettement plus agréable à piloter qu’un monomoteur traditionnel. La règlementation étant plus souple, il était beaucoup plus facile d’obtenir une licence qui était accordée sans aucun frais annexe et surtout elle était accordée « à vie » ! Pas de taxes d’atterrissage non plus et une consommation en carburant nettement inférieure (de 8 litres pour les moteurs à quatre temps à 15 litres pour les plus gourmands à deux temps). Pour des budgets d’acquisition clairement inférieurs à des monomoteurs traditionnels on se retrouvait avec des appareils largement plus modernes que les avions traditionnels. Certains deltas volant même plus vite que des avions légers (style Cessna150). Et pour la sécurité, celle-ci ne dépendait désormais que du propriétaire, les moteurs simplifiés n’avaient plus besoin d’être certifiés car ils étaient désormais très sûr. Et enfin sur le plan de la sécurité, à la différence d’un avion, un ULM en panne avait plus de chance de se poser, n’importe où, sans trop de risque de casse, d’autant que la plupart de ces appareils disposaient désormais d’un parachute directement fixé sur la cellule de l’appareil. Côté voyage, c’était comme en avion vu les performances des machines modernes (250km/h en croisière, 1000km d’autonomie, radio, VOR, GPS, pilote-auto…) tout était possible quand on voulait.
L’accueil sur les terrains ULM était souvent plus convivial, on pouvait dormir dans la tente à côté de la machine comme l’aviateur de Richard Bach dans le « Messie récalcitrant » où celui de Saint-Exupéry dans « Le Petit Prince », et parfois être invité par des « indigènes ». Enfin, en France, on pouvait même se poser dans les champs avec un accord du propriétaire, comme au temps de grands papas ! De nombreux pilotes partirent ainsi chaque semaine un peu partout dans l’hexagone voire en Europe, car beaucoup d’amoureux de l’air firent le choix de posséder leur propre machine pour s’éviter les tracas de la location. Il y eut ainsi dans les années 90 le même boom pour les ULM que celui qui émergea dans l’informatique. Et d’ailleurs aujourd’hui, puisque nous évoquons l’informatique, si je vole encore sur un ULM 3 point, décolant assez souvent depuis le terrain de Ruoms-Labeaume, c’est désormais sur Microsoft Flying Simulator…